mardi 16 septembre 2008

Ce Pape qui m'a foutu le bourdon!

Ben oui, ça arrive... le gros coup de blues de la rentrée fut pour cette action avortée à l'occasion de la venue de Sa Sainteté Benoit XVI.
J'suis pas du genre à me laisser aller mais là, un gros craquage.
Sûrement la fatigue puisqu'on avait bossé comme des dingues toute la semaine. Les tracts, la croix, la procession, les carnets de chant, les stations, tout aurait été réglé à l'heure de se mettre en marche.
Sûrement le manque de ma Twin, puisqu'il faut bien l'avouer, savoir qu'elle s'éclate avec nos frangines américaines quand je patauge dans les emmerdes de la rentrée; c'est pas la joie. Ne pas avoir la partie droite de mon cerveau et de mon coeur militant pour une telle action; c'est se sentir très seule!
Mais en fait c la rage et la déception qui l'ont emporté sur tout le reste. L'idée que Benoit XVI était à Paris, que la France parfumée à l'encens et à l'eau bénite, qui vomit les pédés, la liberté de conscience et d'expression, les modes de vie de tous ceux qui me sont chers, était en pleine démonstration de force et que les Soeurs de La Perpétuelle Indulgence se tairaient, n'iraient pas à la rencontre de tous ceux qui ont du bouffer du St Père et de la Catholicité à la télé, à la radio, dans la presse et sur les murs de Paris pendant trois jours; ça, ça m'a rendu malade!
Où était-il notre crédo de lutte contre la culpabilité alors que l'un des maîtres à penser de cette l'homophobie que tant et tant ont subie dans les cours de récréation, au cathéchisme, dans la culture consciente et inconsciente de la France, fille ainée de l'Eglise, que ce Vicaire du Christ était dans nos murs ?
On devait l'exercer ailleurs sûrement, on était occupé ou fatigué, je ne sais pas! 3 soeurs et une Novice disponibles la veille d'une telle action! j'en reviens toujours pas.
J'espère que mon couvent comptera un jour 30 ou 40 soeurs, qu'alors ce Pape ou un autre, aura la "bonne" (?) idée de revenir dans notre belle ville, symbole de liberté et de révolte.
J'espère que mes soeurs seront là, unies, pour aller à la rencontre de tous ceux pour qui, une visite du Pape réveille des souvenirs douloureux, des culpabilités enfouies. J'espère qu'elles seront là, cornettes au vent, la joie dans le coeur parceque nous avons fait voeux de servir notre communauté, de lutter pour elle et que notre fierté, nos forces, nos rêves se trouvent là.
Je suis en colère et je ne veux pas digérer cet échec. Je me souviens de cette phrase de Barbara: "Restons en Colère, soyons vigilant"
J'essaie d'apprendre à la maîtriser cette colère, à ce qu'elle ne m'anesthésie pas totalement au point de me pourir mon WE ou de me faire douter de mes soeurs.
Transformer la déception en carburant, la colère en moteur et savoir diriger sa p'tite auto vers du positif, du constructif, du collectif.
Pas évident mais je sais que je peux y arriver.
Au-delà de tout ça, tout ce WE, je crois que s'est aussi le croyant qui a souffert. Entendre une jeune chrétienne à la radio, croyant sûrement témoigner de sa foi, dire que le Pape est "le Christ sur terre", voir le sucesseur de Saint Pierre rivalisé de diplomatie avec un président de la république aussi stupide qu'inconséquent sur un sujet aussi grave que la place de la spiritualité dans la société, voir mes frères et mes soeurs chrétiens battrent des deux mains à des discours qui sont à des années lumières du message évangélique ou se murer dans un silence gêné, mêlé d'ambiguités et de paradoxes, sentir toute la culpabilité et la haine de soi que cela remue chez tellement de gay, de lesbiennes, de trans, de queers, d'enfants de la Lumière... ça me mine le coeur et l'âme.
Alors j'ai prié, depuis samedi je prie et je cherche à comprendre. Puisque je n'ai pas été là, sur le trottoir, pour les écouter, pour leur partager de la lumière et de la joie. Puisque je n'ai pas pu prier avec mes pieds, mes talons, mes paillettes, la main dans leurs mains, priez avec le coeur en leur disant; soyez heureux! soyez libre! Si dieu existe il ne vous a pas voulu autrement! je prie simplement pour qu'une petite voix en eux ait résisté, pour que l'Amour reste le plus fort.
"Tant qu'il nous faudra de la Joie pour effacer les larmes, tant que nos Amours ne seront pas reconnus, tant que le Sida ne sera pas vaincu; les Soeurs seront là..." disons nous.
Et bien samedi, alors que notre pays tout entier raisonnait des discours d'un apôtre qui nous condamne ; Les Soeurs de France n'y étaient pas.
"Doy gracias a Dios de ser gay", disait, il n'y a pas si longtemps, un prêtre espagnol faisant son comin out publiquement pour mettre fin à des années d'hypocrisie et de petits arrangements de conscience qui déshonnoraient sa Foi.
Moi aussi, je rends grâce au Christ, à Dieu, à la Lumière et à la Vie pour la liberté que j'apprends, pour les joies que je découvre, pour l'Amour qui ne s'éteint pas.
Sursum Corda, Deus est Caritas
ps: à tous les catholiques dont l'Eglise torture la foi, ne désespérez pas! Le pape n'est que l'évêque de Rome, la sucession apostolique instituée par le Christ n'est pas le Christ lui-même. Nous sommes nombreux à récuser bien des points du Magistère et nous n'aurons pas à en rougir devant le Père des Miséricordes.